Pourquoi lui ?
Vous savez cette légère sensation de se faire rouler avec la loi Travail, habillement rebaptisée loi El Khomri ? Et bien, la démangeaison s’explique enfin ici. Même si de démangeaison, vous passerez à une sorte d’impression de sodomie violente et non consentie.
Le genre de livre qui, dans une démocratie saine, devrait mener à une révolution. Comme le sympathique reportage de France 2 sur l’affaire Bygmalion. Ou comme un W. Bush avouant devant les caméras du monde entier avoir mené la guerre en Irak sur un mensonge conscient (guerre qui a fait des centaines de milliers de morts et poussé les généraux de Saddam Hussein à créer l’État islamique, mais nous imaginons que le tribunal de la Haye n’est pas pour les dirigeants occidentaux).
Pierre Javquemain, plume et conseiller de Myriam El Khomri, raconte la création de la loi Travail par Matignon et l’Élysée, l’utilisation de la ministre comme légitimation populaire (pourrait-on parler de street credibility ?), l’enfumage du peuple et la mort de la gauche. Mais l’auteur va encore plus loin. En parlant de l’énarchie (sorte d’antonyme de l’anarchie), c’est tout le système qu’il démonte. Et en évoquant l’abandon des convictions d’El Khomri devant les sirènes du pouvoirs, c’est toute la faiblesse humaine qui nous est décrite. Autant de raison qui rappelle l’urgence de se réapproprier la politique.
Où le lire ?
Dans l’hémicycle.
Incipit.
C’est l’histoire d’une imposture : « Mon ennemi, c’est la finance. »
Le passage à retenir par cœur.
L’exemple le plus connu, le plus rapporté, le plus commenté, c’est la norme européenne fixée par la Comission du même nom et qui impose aux États membres de ramener le déficit public à 3% du PIB. Un objectif comptable qui contraint les pays européens à conduire des politiques d’austérité auxquelles la France de François Hollande se soumet sans broncher. Cette règle, ou plutôt cette norme, est d’autant plus contestable sur un plan économique et démocratique qu’elle aurait été pensée « sur un coin de table », selon son inspirateur, Guy Abeille, après que François Mitterrand eut passé commande pour la création d’une « norme frappante et parlante » qui lui permettrait de refuser, sur la base d’arguments économiques et mathématiques, les demandes budgétaires de ses ministres. Guy Abeille avoue même que, « revêtu de lhabit d’une certain technicité et pourtant immédiat à entendre, ce ratio avait en plus l’avantage de tomber sur le chiffre trois, comme les Trois Grâces, la Trinité, les trois ordres alchimiques, etc. L’idée a été trouvée sur un coin de table, en moins d’une heure, sans aucune réflexion théorique. »
À qui l’offrir ?
À tous ceux qui ont encore du mal à avouer s’être trompé en votant Hollande.
Ils ont tué la gauche, Pierre Jacquemain, éd. Fayard, 194 p., 16 €