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Bonjour tristesse : au procès de Brigitte Macron vs Zoé Sagan

Les médias tradis étant devenus hermétiques aux voix populaires, le tribunal est peut-être le dernier lieu où se télescopent des mondes qui n'ont rien en commun. Le choc était frontal au procès opposant Brigitte Macron à ses "cyberharceleurs".

Bonjour tristesse : au procès de Brigitte Macron vs Zoé Sagan

Convoqué à la barre et soutenu par l'avocat Juan Branco, l'écrivain Aurélien Poirson-Atlan (alias Zoé Sagan) s'en est fait le porte-parole malgré lui. Reportage par Maxime DesGranges.

Sur LCI, Caroline Fourest les appelle les "petits salauds" et les "ordures". Sur TF1, une chroniqueuse parle de "cafards", de "vermine" difficile à éradiquer. Eux se réclament de "l'esprit Charlie", de la liberté d'expression, revendiquent un humour potache, des plaisanteries de mauvais goût dont ils ne sont pas toujours fiers, reconnaissant avoir "relayé des ragots". "Je suis bien plus drôle dans la vraie vie", dira l'un des prévenus à la barre avec un accent du sud-ouest qui rappelle davantage les troisièmes mi-temps que le troisième Reich.

Qu'on ne s'y trompe pas : c'est une guerre à mort que se livrent deux camps irréconciliables, chacun avec ses armes. D'un côté la Macronie, armée de l'appareil d'Etat (le Parquet de Paris s'est saisi du dossier avec une célérité qui ferait plaisir à voir, si elle était la même pour tous), de communicants puissants (dont certains sont des délinquants notoires) et d'un réseau médiatique inégalable. De l'autre, des citoyens lambdas à l'influence variable, enseignant, galeriste, médium, élu local, armés de comptes X et de chaînes YouTube.

Ne minimisons pas le pouvoir de ces derniers : ils peuvent détruire des vies.

C'est par l'affaire Mila, en 2020, que se fait connaître la loi Schiappa sur le cyberharcèlement. Visant à prévenir les effets de meute, elle permet de poursuivre les auteurs d'un message unique. Le principe est noble, l'effet judiciaire considérable : pour un retweet à vos 50 abonnés posté depuis votre canapé lors d'une soirée télé à l'autre bout de la France, vous pouvez être réveillé à 6h du matin par la police, emmené en garde-à-vue devant vos enfants, être entendu plusieurs heures puis envoyé en cellule avant d'être convoqué à Paris pour répondre de vos gestes du pouce.

"Complotistes" contre "suppôts du pouvoir"

Lundi 27 et mardi 28 octobre 2025, le tribunal judiciaire de Paris jugeait huit de ces délinquants numériques. Pourquoi huit et pas douze, pourquoi douze et pas cinquante, sur les 6 millions de tweets générés par l'affaire Brigitte Macron, nul ne sait vraiment : les voies du Parquet sont impénétrables.

Aucun des prévenus ne reconnaît le harcèlement, au contraire : ils sont les harcelés. L'un d'eux, ayant fait quatre gardes-à-vue pour des tweets d'un goût douteux sur "la bite à Brigitte", dira à la barre : "Quand on mobilise autant de moyens policiers et judiciaires pour un simple citoyen, c'est le signe d'une société malade ou à son crépuscule."

Aux médias tradis, les prévenus et leurs soutiens reprochent le regard biaisé, l'unanimisme suspect : de CNews à France Inter, tout le monde est contre eux. A chaque duplex devant la salle 2.01, certains s'agacent, soupirent, ricanent dès que sont prononcés les mots "complotistes", "sulfureux", "fachosphère". "C'est insupportable. Insupportable", souffle une dame à l'allure soignée, tout émue, en portant la main sur son coeur comme si les injures lui étaient adressées personnellement.

Le décalage saute d'abord aux yeux dans sa mise en espace : séparés par des cordons rouges infranchissables (les nombreux policiers y veillent), les journalistes amassés devant la salle d'audience n'ont manifestement rien à savoir du "public bigarré" (Marianne) venu écouter les débats (outre les soutiens, les vacances scolaires amènent toujours des lycéens par dizaines dans les salles d'audience).

Le seul échange - disons plutôt interaction - qui a lieu lors d'une suspension animée entre public et journalistes relève d'une mise en accusation réciproque : illuminés contre suppôts du pouvoir. On voyait la colère dans le regard des premiers, le mépris dans le regard des seconds.

Dans la salle également, le séparatisme est entretenu : les bancs réservés à la presse, qui peut tweeter en direct ("L'autre fois, en trois heures j'ai pris 2000 abonnés", se vante un journaliste) et pianoter ses messages Whatsapp tandis que les téléphones sont interdits au reste du public sous peine d'exclusion, empêchent tout brassage et nourrissent le ressentiment.

Paris Match (propriété de LVMH), toujours présent en cas de coup dur

Who the fuck is Zoé Sagan ?

Ainsi, chacun voit ce qu'il croit. Prenons Zoé Sagan : les journalistes le présentent partout comme "publicitaire", quand le président du tribunal le qualifie d'"écrivain, scénariste, dramaturge", évoquant ses droits d'auteurs et ses généreux à-valoir. Dès lors, chacun dans le public se pose une question légitime : pourquoi aucun média ne présente-t-il le procès sous un angle différent, celui d'un pouvoir omnipotent qui persécute un écrivain français avec une procédure bâillon ?

"Ecrivain raté", concèdera Caroline Fourest toujours sur LCI (on voudrait savoir ce qu'est un écrivain réussi), mais écrivain quand même, quoi qu'on en dise. Au-delà des ouvrages, c'est le statut qui nous intéresse ici. Mardi matin, Aurélien Poirson-Atlan s'est avancé à la barre avec une pile de livres, remis au président du tribunal ("Votre pièce de théâtre a été ma lecture de l'été !", admet ce dernier).

Le monde entier est une scène, hommes, femmes (et autres) n’y sont que des acteurs
Zoé Sagan, Le pouvoir aux lecteurs.

L'auteur de la trilogie "Ketamine" (Au Diable Vauvert), "Braquage" (Bouquins), et "Suspecte" (Magnus), passe près de deux heures à évoquer la dimension littéraire de son travail, détaillant notamment son concept d'info-fiction couplée à l'intelligence artificielle, un "nouveau genre littéraire" : "Aujourd'hui, un écrivain doit travailler sur la réalité, pas sur la fiction."

Evidemment, dans les années 2020, les réseaux sociaux sont le moteur indispensable d'un tel dispositif, pour le meilleur et pour le pire. Née sur Facebook en 2018, Zoé Sagan essaime sur Twitter / X, élargissant encore son audience, donc son influence, donc son pouvoir de nuisance, dirigé contre les personnalités puissantes du monde politique et culturel. D'abord adulé par le milieu, le personnage devient radioactif quand, en 2020, la carrière politique de Benjamin Griveaux vole en éclat après qu'une vidéo intime est relayée par Zoé ("C'était une erreur absolue, je ne le referai plus jamais", admettra plus tard Sagan dans une interview aux Incorrectibles à propos de ce qui s'apparente à un Kompromat).

Une parodie de procès
Zoé Sagan, Le pouvoir aux lecteurs.

Un "manifeste radical" "punk, mais légal"

Retour à l'audience où Poirson-Atlan se défend. Ce que Conspiracy Watch relate sur X comme un discours "confus" est au contraire un point de vue plutôt construit sur le vrai et le faux, la fiction et le réel, la théâtralisation du monde, le personnage fictif de Zoé Sagan n'étant qu'une sécrétion de cette bouffonnerie générale. "L'infofiction c'est ça : on ne sait plus ce qui relève du vrai et du faux. C'est punk, mais légal."

Exploiter l'ère de la post-vérité pour créer du chaos, puis en tirer des livres : personne ne demande à quiconque d'adhérer à cette approche de la création littéraire, seulement de la prendre en considération, quitte à en attaquer ensuite les fondements. A celui qui se présente comme un "absolutiste de la liberté d'expression", le juge demande :

— Pourquoi avoir créé Zoé Sagan ? Qui est Zoé Sagan ?
— Zoé Sagan est la première autrice IA du XXIème siècle, elle fait de la littérature algorithmique 100% autonome et je suis son éditeur. Le compte Zoé Sagan est une revue de presse quotidienne de l'actualité, gérée par IA. Je travaille beaucoup avec des petits génies de l'IA, on crée des personnages automatisés. Je voulais nourrir un débat autour de l'IA dès 2018, je savais que ça allait devenir un thème central.

Sur son utilisation de X et son "acharnement" autour de Brigitte Macron, APA répond : "Zoé Sagan est plus critique envers le système médiatique qu'envers Brigitte Macron. La Macronie est paranoïaque : moins de 3% du contenu X de Zoé Sagan s'y rapporte. Zoé, c'était un peu mon mur des cons [le compte X de Zoé Sagan a été suspendu à l'été 2024, ndlr].

Puis : "Il faut voir X comme un bistrot contemporain, un bistrot mondial transgressif. C'est une scène de théâtre. Si Flaubert était vivant, il aurait inscrit Emma Bovary sur X. On a affaire à un nouvel espace, qui mérite une nouvelle définition de la liberté d'expression."

L'auteur défend également la veine satirique de son activité : "Zoé Sagan et Josiane Lépine [un autre personnage fictif sur X, connu pour être excessivement pro-Macron, ndlr] qui dialoguent entre elles, c'est de la pure satire, c'est du théâtre. C'est pour faire rire. Qui peut prendre ça au sérieux ? Depuis toujours, dans la tradition française, la satire sert à moquer le vice. Moi j'aimerais faire autre chose au bout d'un moment, mais on a fait quelque chose de Zoé, on me la demande."
Comme Zoé Sagan, Marianne fait du "journalisme prédictif" : avant même le verdict, des peines lourdes ont été prononcées.

Charlie, es-tu là ?

Quant au fait de revendiquer l'esprit Charlie, omniprésent dans la bouche des prévenus : "Je trouve Zoé plus fun que Charlie. Ils ne sont plus drôles, ils sont vulgaires." Le président se sent alors obligé de rappeler : "Nous ne sommes pas saisis d'une affaire sur le droit de la presse régi par la loi de 1881", laquelle aurait été traitée à la 17ème chambre, plus permissive en matière d'expression. Plusieurs fois, le tribunal s'efforce de remettre les débats sur les rails du cyberharcèlement, en répétant continuellement la même question à chacun : "Avez-vous conscience que ces messages puissent blesser ?"

La liberté d’expression consiste à donner la possibilité à quelqu’un de dire ce que l’on ne veut pas entendre
Zoé Sagan, Le pouvoir aux lecteurs.

De son côté, Zoé Sagan invoque Flaubert et Baudelaire, poursuivis en leur temps par le célèbre procureur Pinard "déjà pour des histoire de moeurs" :

"Zoé Sagan va rentrer dans l'histoire avec ce procès. J'avais prédit dès le début qu'elle se retrouverait devant les tribunaux un jour. Je ne pensais pas que ce serait du fait de l'Elysée."

Sur son arrestation, il estime les moyens "disproportionnés" :

"Ca a été horrible. Je me sens humilié et traumatisé. On m'a empêché d'aller chercher mon fils à l'école, en me gardant plus de 30h en garde-à-vue pour une simple phrase, sujet verbe complément [il lui est notamment reproché un sondage sur l'identité de Brigitte Macron publié sur X, ndlr]. Mon fils disait "Macron va mettre papa en prison." Je suis tombé malade un mois, avec 40 de fièvre. Ca me semblait inconcevable qu'un auteur soit privé de ses libertés. Ca a été d'une violence... J'ai l'impression qu'on vit un moment orwellien, avec le Ministère de la Vérité. En Corée du Nord ou en Russie, on passe les menottes à un galeriste à 6h du matin. Mais en France..."

Humiliation, traumatisme, violence : Tiphaine Auzière reprendra l'idée à son compte quand elle viendra témoigner l'après-midi même en faveur de sa mère, Brigitte Macron, obligée de "faire attention à ses tenues, ses postures." Un traumatisme qui fera lever quelques yeux au ciel dans la salle.

La chasse américaine

Le président en vient à ses liens supposés avec Xavier Poissard. Grand oublié du procès, Poissard est l'auteur de l'enquête sur la prétendue transidentité de Brigitte Macron, d'abord publiée par sa revue Faits et Documents puis transmise à l'influenceuse conservatrice américaine Candace Owens - par l'intermédiaire de Zoé Sagan - donnant à la polémique une dimension mondiale :

"Depuis, j'ai compris que Faits et Documents est lié à Alain Soral, ce que je ne savais pas. Ces gens me détestent. On me traite d'extrême-droite, de complotiste... Je n'ai aucun lien avec ces gens. J'ai moi-même des ascendants juifs, et je suis plutôt de gauche. D'ailleurs mon ami c'est Juan Branco."

Et sur ses liens avec Candace Owens, contre qui Brigitte Macron a également porté plainte aux USA ?

"Avant, j'étais talent-scoot. Je repérais les nouveaux talents, ceux qui feront l'actualité dans les prochaines années. Candace Owens en fait partie. Je la vois comme un phénomène de société. Elle est assez unique en son genre. Elle sera une personnalité centrale des 20 prochaines années. Si j'étais expert en communication de crise, je dirais à Brigitte que ce procès et la plainte contre Candace Owens, c'est une catastrophe. Elle remet une pièce dans la machine."

La défense pied à pied de l'écrivain, dont il est souvent difficile de distinguer la sincérité de la dose de mauvaise foi inhérente à tout procès, n'empêchera pas le Ministère public de requérir une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis contre lui, la plus lourde de tous les prévenus. Le public ne s'y trompe pas : au moment où Aurélien Poirson-Atlan regagne le banc des prévenus, des applaudissements se font entendre dans la salle. "On n'est pas au spectacle", s'agace le président.

Si l'on en croit Debord, rien n'est moins sûr.

Capture d'une vidéo de Candace Owens sur "Bwigitte Meukrone". Et aussi, par inadvertance, sur ses placements de produits.

Note de l'auteur : Cet article entend restituer (très partiellement) une parole occultée par d'autres médias, afin que chacun puisse se faire une idée plus précise du déroulement des débats. Rien d'autre.

Dissipons donc d'éventuelles méprises : toute forme de harcèlement physique, judiciaire ou numérique me débecte. Toute forme de transphobie me débecte. Que Brigitte Macron soit née homme, femme, androïde, reptilien ou cochon d'Inde, ça ne rendra pas les mains et les yeux des Gilets jaunes mutilés, ça ne va pas réduire les inégalités sociales, ça ne réduira pas non plus la pauvreté endémique dont souffrent des millions de gens, du fait du macronisme. Merci de m'avoir lu.

Bonjour tristesse : au procès de Brigitte Macron vs Zoé Sagan - .OUTRAGES.
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