Imaginez si vous étiez nés il y a vingt ans. Vous seriez donc arrivés sur terre en 1996. François Mitterrand venait de mourir. Vous aviez cinq ans le 11 Septembre 2001.
De ce que vous pouvez vous rappelez, les États-Unis ont toujours été en guerre.
Lorsque vous aviez douze ans, en 2008, l’économie mondiale était en train de s’effondrer.
Après des années de fanfaronnades de la part du président George W. Bush – qui a encouragé la consommation comme une réponse à la terreur – il semble que ce pays a été plus faible que vous aviez pensé.
En Europe comme en Amérique, les adultes qui prennent soin de vous ont du mal à prendre soin d’eux-mêmes. Peut-être que l’un de vos parents a perdu son emploi. Peut-être que votre famille a perdu sa maison.
En 2009, les politiciens affirment que la récession est terminée, mais vos difficultés ne se sont pas arrêtées. Les salaires stagnent ou diminuent. Les coûts des soins de santé, de garde d’enfants, ou encore les frais de scolarité continuent d’augmenter de façon exponentielle. Les CDI se transforment en postes précaires alors que les avantages sont réduits.
Les attentes de vos parents quand vous êtes nés (qui ont pensé vous offrir une prospérité sans précédent) sont en train de s’écrouler. Les baby – boomers continuent de vous dire qu’il y a un moyen de s’en sortir: de bonnes études pour un bon travail.
Mais rien de cela n’est arrivé. Les diplômés des meilleures universités que vous connaissez sont noyés sous des dettes, travaillant pour un salaire minimum, ou peinent dans des stages non rémunérés.
Les emplois de prestige sont de plus en plus regroupés dans les villes où le loyer a triplé ou quadruplé en moins d’une décennie. Vous ne pouvez pas vous permettre de vous déplacer, et vous ne pouvez pas vous permettre de rester.
En dehors de ces villes, les centres commerciaux nouvellement abandonnés rejoignent les usines longtemps abandonnées. Vous habitez un paysage de ruine.
Il ne reste plus rien pour vous. De temps en temps, les gens se révoltent. Lorsque vous aviez quinze ans, il y a eu le mouvement Occupy Wall Street qui a envoûté l’attention de la nation américaine, attirant l’attention sur la cupidité des entreprises. En un an seulement, le mouvement disparaît.
Personne ne semble comprendre l’urgence de la crise. Même l’ancien président Barack Obama, un démocrate libéral (le type de politique qui est censé comprendre la pauvreté) – déclare que l’économie a été sauvée. Nous sommes en 2016 et François Fillon peut devenir président de la République Française, nous allons entrer dans une période encore plus sombre, sans leadership. Nous donnons rdv à la jeunesse en 2022. Dans un monde post-brexit, post-trump, où la solution du monde ne sera plus de compter sur le passé grâce à la nostalgie et au népotisme au lieu d’affronter le présent pour créer un futur pertinent.
Les occidentaux de moins de 20 ont eu peu ou pas d’expérience venant des adultes dans une économie en ultra-récession. Les anciennes générations ont pris pour acquis tout ce dont leurs enfants n’auront pas le droit.
Nos ambitions sont pourtant modestes – un salaire qui couvre nos factures, la possibilité de posséder une maison ou aller à l’université sans avoir une énorme dette – est maintenant devenu des fantasmes ou un luxe.