Les nouvelles coqueluches de l’art contemporain, Kelley Walker et Wade Guyton, réinventent la Factory warholienne :
Warhol n’est en effet pas tout à fait mort, un groupe d’artiste mené par Wade Guyton et Kelley Walker redonne vie au pop art. Leurs œuvres déchaînent l’hystérie des collectionneurs et des critiques. Décryptage.
La force des pièces de GuytonWalker tient tant à leur puissance formelle propre, qu’à leur héritage assumé de l’usage des techniques d’impression et de manipulation de l’image et du recours aux grands formats dans l’art américain (de Rauschenberg et Warhol à Guyton et Walker, séparément).
Les œuvres de GuytonWalker consistent en impressions (sérigraphies, impressions numériques) sur des supports de grand format allant du châssis au panneau de placoplâtre. Comme le disait le critique Vincent Pécoil des oeuvres de Wade Guyton, le terme de tableau convient mieux à celui de peinture.
Ces tableaux sont posés sur des pots de peinture recouverts d’impressions dont on devine qu’elle sont semblables à celles qui les composent. Le pot de peinture devient alors support au sens propre du terme du tableau, et le tableau est le support de la peinture à son tour. Par ailleurs, les pots de peinture s’amoncellent et remplissent à leur tour les espaces d’exposition.
“Comme beaucoup d’autres artistes à New York, nous avons partagé notre atelier. C’était le seul moyen de s’en sortir dans cette ville hors de prix”, explique Kelley Walker aux Inrocks. Ils partagent l’espace, mais aussi le matériel : “Des lasers gros format, des imprimantes jet d’encre Epson, des scanners Epson, des Mac avec tous les logiciels comme Photoshop, InDesign ou Final Cut.” Pour ces artistes élevés à Photoshop et nourris d’images trouvées sur le web, ces machines sont plus que des outils : des objets d’étude. Non pas qu’ils jouent les nerds et passent leur temps à désosser les bécanes. Mais ils réalisent des tableaux à partir d’images scannées, à peine trafiquées par les logiciels de base, puis imprimées, puis photocopiées, parfois maculées de dentifrice, sérigraphiées, puis à nouveau scannées et imprimées directement sur toile.
GuytonWalker n’est pas l’addition de Wade Guyton et Kelley Walker, mais la création d’une troisième identité artistique et créative, que marque le slash inversé entre leurs deux noms (qui n’est ni + ni /). En 2004, à l’occasion de l’invitation qui avait été originellement lancée à Wade Guyton par le Midway Contemporary Art à St Paul, Minneapolis, ce dernier invitait Kelley Walker, qu’il connaissait de longue date pour avoir partagé avec lui un atelier.
Depuis cette exposition intitulée « Xxxxx Bbb XxxxxFfffff Ffff », GuytonWalker a toujours revendiqué créer des « objets », non sans, dans son sillage, affoler les références et poncifs de l’art des 40 dernières années : pop, formalisme, appropriationnisme, techniques de reproduction, statut de l’image, question du support, du tableau, du format, de la collaboration entre artistes, et, finalement, de la peinture.
Bordélisé comme un atelier où rien n’est fini, comme un lieu de stockage où tout est sur le départ ou sur le retour, le lieu d’expo fait figure de lieu de transition, de zone de livraison, et souligne énergiquement le statut de marchandise de l’art contemporain. Si bien, selon les Inrocks, que Kelley Walker et Wade Guyton réinventent doublement la Factory : fidèles à son esprit expérimental et à sa nature industrielle et industrieuse, ils composent des accrochages chaotiques où les oeuvres semblent attendre une nouvelle couche. Mais fidèle aussi à ce sens nonchalant du buzz et des affaires que cultivait Andy Warhol, le duo déchaîne l’hystérie de collectionneurs paniqués à l’idée de rater les nouvelles stars.