« Les publicités sont comme des remontants, la programmation devient trop dense s’il n’y a pas assez de pubs intercalées. Quand je regarde une émission « sans pause publicitaire », ça me donne la bougeotte. » Ce commentaire, daté des années 70, est d’Andy Warhol, téléphile incontestable et solitaire avéré, connu pour ses zappings obsessionnels entre La croisière s’amuse (dans laquelle il fait une apparition), les dessins animés et les flash info, mais aussi entre Star Trek, Dynastie ou Dallas.
Marcel Duchamp ouvre d’ailleurs l’exposition, dans un hallucinant plan fixe : » (Warhol) ce n’est pas un peintre ou un cinéaste, c’est un filmeur. »
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Les inrocks nous montrent Andy Warhol, Steven Spielberg et Bianca Jagger se retrouvant à trois dans une chambre d’hôtel et entam ant une interview croisée hystérique.
Le jeune réalisateur répond sans broncher aux questions saugrenues des intervenants avant de partir dans un trip grandiose. Persuadé de la présence de fantômes dans la neige du poste de télévision, il raconte comment il est parvenu à capter des ondes radios dans ses dents avant de jurer avoir avalé un transistor offert par son papa. Bonté divine. Personne ne rigole et Bianca Jagger continue sérieusement de poser des questions sur sa petite enfance.
Alors que les internautes premier degré s’interrogent sur la nature des drogues consommées avant l’interview, il est important de rappeler que cette vidéo fait partie d’une des séries réalisées par Warhol et destinées à la télé américaine. Un médium utilisé par l’artiste dans les années 1980, avec notamment « Andy Warhol’s 15 minutes of fame », série totalement déglingos, à base de travestis et de légumes, diffusée sur MTV à l’époque.
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Fasciné par la télévision depuis les années 1950, comme le confirme son journal intime – son célèbre Diary -, Warhol se tourne en 1973 tout naturellement vers ce medium de masse par excellence pour en faire le vecteur de ses obsessions. Pour Warhol, la télévision est le moyen idéal de donner un prolongement à Interview (son magazine) : poursuivre le procédé de l’interview et rendre compte de la diversité des pratiques artistiques qui se développent alors, tant dans le domaine des arts plastiques et du cinéma, que de la musique ou de la mode, mais aussi élargir son audience au plus grand nombre et introduire l’instantanéité qui manquait à la version papier.
On découvre un acteur exécrable autant qu’attachant : si à l’aise dans le monde, Warhol est pétrifié, nous apprend le Monde, lorsqu’il passe devant la caméra. Il bégaye, perd contrôle, répond aux questions par des onomatopées. Un paradoxe vivant, tellement vivant. L’exposition ne souffre que d’un vrai défaut, inhérent au genre : la juxtaposition des films, et surtout des bandes-son, provoque une vraie cacophonie. Il faut s’en abstraire, prendre son temps, se caler dans un des très confortables fauteuils ou sur un des coussins disposés devant « Love Boat », et ne pas hésiter à partir en croisière avec lui.
« Warhol TV »,
Maison rouge,10, bd de la Bastille, Paris-12e.
Tél. : 01-40-01-08-81. Du mercredi
au dimanche, de 11 heures à 19 heures.
Jusqu’au 3 mai.