Une double adresse comme deux poumons qui respirent au même rythme, qui aèrent Saint-Germain-des-près, qui drainent la passion d’une femme : Laurence Esnol.
La Laurence Esnol Gallery n’est pas une galerie comme les autres. Elle est le fruit d’un coup de cœur. Un vrai. Pour l’artiste H. Craig Hanna, un peintre américain qui vit à Paris. Laurence Esnol est devenue la représenante exclusive mondiale du peintre. Il est la raison de la naissance de ses deux galeries rue Bonaparte. De sorte que l’on ne sait plus vraiment lequel est la muse de l’autre. Un couple mythique de l’art. Un mythe qui s’écrit sous nos yeux.
Mais suivre Laurence Esnol sur les réseaux sociaux, c’est aussi se laisser flotter sur un ruisseau aussi sauvage que doux, faire la planche sur l’eau cristalline de l’art. L’impression de suivre une femme atemporelle, de marcher à pas de loup dans les couloirs de Versailles, de chuchoter au milieu des reliures de cuir. Bref, de vivre de culture.
Comme Laurence Esnol est une femme étrange, en marge, passionnée, on n’a pas résisté à l’envie, au besoin, de lui envoyer quelques questions. Et nous sommes tombés amoureux.
-Quel est votre métier ?
Je suis une passeuse, une messagère, même si les murs ont pris la forme d’une galerie (de 2 galeries plus précisément)… Je ne me qualifie pas de galeriste…
-En quoi est-ce que cela consiste exactement, il y a beaucoup de fantasmes autour de cette profession ?
Je suis assez «atypique» dans le métier comme on le pratique de nos jours, c’est à dire que je ne vais pas dans « le sens du vent et du marché » mais ne défends qu’un seul artiste (à l’ancienne) et en permanence depuis plus de 6 ans, l’artiste américain H. Craig Hanna, peintre figuratif.
-Si l’on accepte que l’art est une expression de l’âme de l’artiste. Vous êtes la représentante exclusive de l’âme de H. Craig Hanna. C’est presque faustien. Comment définiriez vous cette intimité ? Ce rôle ?
C’est parce que c’est lui et c’est parce que c’est moi… Nous ne décidons pas de tout… « Le hasard est une façon pour Dieu de rester anonyme… »
Nous sommes des âmes sœurs et certainement depuis plusieurs vies…
-Un métier avec plusieurs aspects : détection, exposition, communication, relation aux artistes… quel est votre préféré ?
Tous les aspects sont intéressants mais en priorité je pense que ce sont les rencontres humaines qui sont enrichissantes et le partage des émotions.
-Quelle est votre principale satisfaction : exposer un talent inconnu pour le faire connaître, ou avoir la fierté d’exposer un grand nom dans votre galerie ?
L’historique montre que c’était d’abord d’exposer un talent quasi inconnu qui devient un grand nom grâce aux amateurs, collectionneurs et personnes qui parlent et achètent ses œuvres.. J’ai la chance de connaître les deux aspects. À choisir, je préfère faire découvrir un talent inconnu.
-Je conseille à tout le monde de vous avoir en ami facebook (désolé si cela vous noie sous les demandes), vous partagez énormément de vos coups de cœur, c’est un vrai plaisir. Mais je remarque que vous partagez souvent des détails de tableaux. La beauté est dans le détail ?
Je vous remercie, c’est gentil. Les coups de cœur sont faits pour être partagés. Le partage est une richesse. Quant aux détails publiés : on dit que « Dieu est dans le détail» dans le premier testament… Si une œuvre vous parle dans ses moindres détails, c’est en général un signe de réussite totale. Et lorsque l’œil est accroché par un détail ou un incident graphique ou coloristique, c’est que l’artiste fait preuve d’habileté et d’expertise.
-Je me suis toujours posé la question, quelle est la bonne technique pour apprécier un tableau ? Faut-il se concentrer sur le ressenti général, sur une première impression, sur une longue étude détaillée…
À mon sens, il n’y a pas de technique pour apprécier une œuvre mais un cœur qui parle, une grande émotion qui nous traverse ; pas d’étude, surtout pas, mais un coup de cœur. Il n’y a pas à connaître mais à sentir…
Ensuite bien-sûr, il est bon de se documenter et d’appendre mais ne jamais perdre cette « fraîcheur » de l’émerveillement… Se laisser traverser…
-A quoi sert l’art ?
À sauver de monde.
-Quels sont les artistes qui vous ont le plus marquée ? En peinture ? En littérature ? Cinéma ? Artiste ou œuvre.
L’artiste que je défends H. Craig Hanna qui représente la synthèse contemporaine de tout ce que j’aime en Histoire de la peinture avec en plus une technique incroyable et une liberté totale.
J’aime les primitifs flamands et italiens, la grande peinture du XIXème siècle. J’adore Le Caravage qui reste un de mes peintres préférés. Je suis fan de Dürer et de Rembrandt, de Velasquez mais qui ne l’est pas ? J’aime le Saint-Jean Baptiste de Léonard de Vinci… J’aime Hokusai… J’aime tellement de choses en fait… La liste serait vraiment longue…
En ce qui concerne la littérature, j’aime tous les grands auteurs classiques et la poésie classique ou contemporaine.
Pour le moment, je lis et je relis un écrivain contemporain : Michel Houellebecq dont j’adore la plume singulière.
Un film que j’aime parmi tellement d’autres Me and you and every one you know.
-Vous utilisez beaucoup internet, le web est-il la mort de l’art ? De la peinture en tout cas ?
J’utilise beaucoup internet et le web car c’est aussi et d’abord un moyen de communication de mon temps (pour faire connaître la peinture) mais si vous veniez chez moi et que vous rentriez dans mon grand salon de lecture, vous constateriez que les livres d’art (et autres) sont présents partout (et débordent dans toutes les pièces). Je ne peux pas envisager une vie sans livres, une culture sans livres. Internet peut très bien cohabiter avec le reste des éléments non virtuels, vecteurs de culture. Le web pousse la peinture à renaitre et à exister car elle la fait connaître au grand public qui avait oublié que celle-ci est encore une des forces principales d’expression artistique. Le web aide parfois même à la Renaissance de certaines formes artistiques.
-On est en pleine crise économique, pourtant, les théâtres, les opéras, les musées, les spectacles de rues, font le plein. L’art marche toujours en période de crise, comme un refuge. Pourquoi ?
Parce que c’est comme la Vie, la Mort, l’Amour, la Lumière du Jour et la Nuit… C’est la vie… C’est indispensable surtout, en effet en période de crise, on se replie sur les fondamentaux.
-La peinture est un art qui remonte aux grottes de Lascaux. D’où vient selon vous ce besoin de représenter, transcender ce que l’on voit, ce que l’on vit ?
Représenter la splendeur du beau et déposer une émotion pour qu’elle soit partagée…
De toute façon « on voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux », donc à chacun sa façon de se laisser traverser par une peinture…