Avouons-le d’entrée, ces photos ne sont pas réellement insoutenables. Elles ne donnent pas envie de rendre son repas instantanément, mais elles sont profondément dérangeantes, parce qu’elles nous renvoient à un mode de consommation qui cristallise la quasi totalité de la problématique consumériste. Un éloignement de plus en plus grand entre le produit et le consommateur, et de fait, un éloignement entre le consommateur et toute forme de responsabilité (selon les principes généraux de l’expérience de Milgram). Disons donc que la série À la chaîne donne à votre cerveau envie de vomir sa culpabilité ou quelque chose approchant.
Le travail de la photographe Camille Mazoyer est fascinant. Esthétiquement, l’impression de plonger dans un rêve de Tim Burton, avec les prédominances de rouge et de noir, hypnotise littéralement. Renforçant notre rapport de fascination face à la mort et à la tuerie, tel un taureau devant la capote du torero. Et puis, il y a ce cadrage. Cette observation du coin de l’œil, du détail, comme un enfant qui se cacherait les yeux devant un film de Del Toro, mais regarderait par l’interstice de ses doigts. La reconstruction du tout par notre imagination qui nous donne une part active dans la vision globale et nous empêche ainsi de nous enfuir. Ce que nous faisons naturellement devant la questions des abattoirs.