Pour la première fois, le Club des DA expose à Arles, sous l’égide de l’exceptionnel Harri Peccinotti, commissaire de l’exposition. Au programme : 8 jeunes talents français mis en lumière. Avec un seul mot d’ordre : à connaitre avant que n’importe qui les connaisse. Et c’est au tour de Jean-Vincent Simonet de répondre à nos questions…
Jean-Vincent Simonet aime que ses photos « agressent » l’oeil. Nous ne sommes pas masochistes mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir que ce photographe à un talent fou.
Tu es photographe. Comment t’es venu le goût des images ?
J’ai toujours été attiré par la beauté des personnes, des lieux et des objets. Je considère la photographie comme un moyen de la représenter. J’ai adopté ce médium plutôt que le dessin ou la peinture car il me permet d’avoir une production constante et de combler mon impatience dans la réalisation.
Qui sont tes maitres en photo ?
Plusieurs photographes ont été très importants et m’ont beaucoup influencé, c’est le cas de Juergen Teller pour son irrévérence, Nobuyoshi Araki pour ses livres, ou dans un registre très différent Erwan Frotin pour son onirisme.
Comment définirais-tu ton style photographique ?
Premièrement agressif et dynamique dans la composition. Le mélange de techniques photographiques anciennes et manuelles aux nouvelles technologies est également un aspect qui définit mon travail.
Tu mets très souvent en parallèle deux images, quand ce n’est pas le cas, il y a toujours quelque chose qui semble presque « briser » l’image. Cette déstructuration est-elle le reflet de ta pensée ? Autrement dit es-tu un schizophrène de la photo ?
Selon moi mes images vont toutes dans la même direction, je ne pense donc pas être schizophrène. Lorsque deux images sont mises en parallèle c’est pour en créer une troisième. J’envisage mes images comme un groupe modulable ou le rapport entre chacune crée une histoire ou donne un sens supplémentaire. On peut toutefois parler de déstructuration dans mon travail, j’aime altérer et détruire la surface de mes images, j’ai un rapport très physique au médium photographique.
On a cru comprendre que tu n’aimes pas les choses trop polissées, trop lisses, ou convenues. Les couleurs sont très présentes et puissantes dans tes images, elles créent une sensation presque dérangeante. C’est volontaire ?
Totalement. J’aime que mes images agressent l’oeil, que ce soit par la puissance des contrastes, le grain ou la composition. J’ aime également la présence des poussières, les défauts dans les images, je ne perds pas de temps à les effacer.
Il y a quelque chose d’instantané dans tes photos et souvent une sensation d’images ou de personnages comme « accidentés ». Si tu devais choisir parmi ces citations, laquelle définirait le plus cet aspect de ton travail ?
« L’art a lieu par hasard ». Stéphane Mallarmé
« J’aime une chose simple mais elle doit être simple par le biais d’une complication ». Gertrude Stein.
« Le plus grand ennemi de l’art c’est le bon goût ». Marcel Duchamp.
Je prendrais celle de Gertrude Stein. Je pense que ma pratique de la photographie illustre bien cette citation, n’importe quel lieu, personne ou objet est à mon sens photogénique, c’est au photographe de trouver les bon éléments pour la mettre en valeur.
Tu photographies de tout. Des lieux, des filles, des fleurs, des statues, des rasoirs, des couteaux, des chaises longues. Si on listait tout ce que tu as photographié et qu’on associait toutes tes images dans un seul livre. Quel en serait le titre ?
J’ai toujours beaucoup de difficulté pour attribuer des titres à des séries non-commerciales. Cependant mon travail de fin d’étude qui réunit beaucoup de mes images était une ré-interprétation des Chants de Maldoror du Comte de Lautréamont. L’univers gothique, surréaliste et chaotique de l’auteur est à l’origine de nombreuses images mentales, je pense qu’on peut donc rattacher mon travail à ce genre d’univers.
L’image que tu trouves la plus réussie de tous tes propres shooting ?
Difficile d’en choisir une seule, je pense que mon travail est véritablement un groupe d’images qui se répondent plutôt qu’une juxtaposition d’images indépendantes.
Quelle est l’image qui définirait le mieux ta génération ?
Un selfie sur instagram.
As-tu déjà pensé à la réalisation de films ?
Le mouvement est séduisant et les clips sont de plus en plus présents de nos jours mais j’ai plus de sensibilité pour l’instantané.
Comment vois-tu la suite de ta carrière de photographe ?
J’aimerais beaucoup travailler dans la mode et l’éditorial, ce sont des secteurs qui selon moi laissent une grande liberté créatrice mais qui restent appliqués à des éléments concrets.
A l’heure où même Facebook censure des photos, quelle serait pour toi l’image la plus transgressive à diffuser ici ?
Il faut croire que la récente polémique sur les tétons féminins peut s’appliquer à bon nombre de mes images…