Il est rare de voir des photographes talentueux s’attaquer à des puissants.
C’est pourtant le cas de Frédéric Fontenoy, photographe de génie qui s’est vu littéralement plagié au bénéfice de la star Madonna.
Un de ses auto-portraits ayant été détourné par Doug Abraham, « photoshopeur » de talent et ami de la Ciccione.
La contrefaçon de cette image ayant circulé sur tous les réseaux de la star et de son acolyte sans aucune référence ou mention légale concernant son travail.
Investit dans une lutte juridique compliquée il continue sa lutte pour rétablir ses droits et se réapproprier une création dont il est le seul détenteur.
Malheureusement pas soutenu par quelconque personne influente de notre cher pays, patrie de Beaumarchais, inventeur de la notion de droits d’auteurs, il espère avec force et courage que la vérité soit rétablie.
A l’heure où Richard Prince se fait des millions sur le dos de jeunes filles en récupérant des photos de leurs comptes instagram, en ne les créditant pas dans ses « détournements », en ne les dédommageant pas pour leur droit à l’image. Nous avons eu envie de lui ouvrir nos colonnes pour comprendre la machine infernale dans laquelle il est pris, celle de la starification outrancière et des passe-droits qui lui sont propre. Quand un « little frenchy » se confronte au paillettes et au glamour. Retour sur les faits.
L’auto-portrait de Frédéric Fontenoy
Frédéric, pouvez-vous définir votre travail artistique ?
Depuis 2006 j’ai entrepris un travail photographique et fictionnel mêlant, dans des scènes intimes, l’histoire des avant-gardes artistiques et politiques de la première moitié du vingtième siècle à un érotisme subtil et j’espère puissant. On reconnaît, parmi les symboles dont je joue, des évocations de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que nombre de citations de travaux surréalistes : l’espace de la photographie s’inscrit ainsi dans des temps simultanés et fait appel à l’inconscient collectif.
J’aime aussi faire des citations discrètes, hommages à tous ceux qui ont participé à la construction de mon imaginaire : sont ainsi convoqués Hans Bellmer, E.J. Bellocq, Auguste Belloc, Fragonard, Pierre Klossowski, Balthus, Kertesz, Lucian Freud, Helmut Newton, Pierre Molinier, Hyppolite Bayard…
Dans la photo contrefaite, j’ai souhaité rendre hommage à Robert Mapplethorpe, en reprenant son auto-portrait de 1988, dans lequel il se mettait en scène avec une canne surmontée d’un pommeau à tête de mort. J’en ai évidemment livré ma réinterprétation.
Pouvez-nous nous expliquer la genèse de ce plagiat ? Comment vous êtes vous aperçu de ce vol ?
Ne suivant pas l’actualité de Madonna, c’est un « ami » facebook qui m’a transféré la copie d’écran de son site Instagram, deux heures après que la photo ait été postée. Il y avait déjà 24 000 likes. Avant de crier au scandale, j’ai jugé bon de m’inscrire sur Instagram afin de mieux appréhender le fonctionnement de ce site. Après une petite enquête, j’ai compris que le photomontage avait été réalisé par « bessnyc4 », de son vrai nom Doug Abraham, sans doute proche de Madonna, piètre graphiste, qui, et c’est le comble, signe de son patronyme le détournement de mon œuvre.
Vous parlez de « viol artistique », vous considérez vous comme une jeune fille sans défense ?
Vous n’y êtes pas, je reprends une déclaration faite par Madonna en décembre 2014 alors qu’elle avait subi le piratage de son dernier album :
«C’est un viol artistique. Une forme de terrorisme». Notons que le hacker responsable s’est vu condamné à 14 mois de prison en Israël pour cybercriminalité…
Nous savons, en tant que média officiant exclusivement sur internet, à quel point le sujet des détournements d’images est plongé dans un flou artistique total en matière de droits d’auteurs. Espérez-vous faire jurisprudence sur le sujet ?
J’ai peut-être la naïveté de croire que les lois existantes, en matière de droits d’auteurs, sont applicables à internet. En effet, il est possible de faire retirer une photo postée par n’importe qui à condition d’en prouver la paternité. Dans le cas de Madonna, son audience est telle que la seule suppression de ce malheureux photomontage est insuffisante à réparer ce préjudice. D’autant que cette photo circule toujours sur les sites liés à l’Instagram de la chanteuse.
Quant à la question de faire jurisprudence, il faudrait déjà qu’il y ait un procès en France, et que je puisse être entendu. Or, nous n’en sommes pas encore là, mais c’est un premier pas. La violation du droit moral de l’auteur que je rappelle être « inaliénable et imprescriptible », ne doit pas être banalisée, et encore moins encouragée par une attitude de laxisme qui inciteront d’autres à en faire autant.
En cela, Internet est un outil à double tranchant pour les artistes : il permet une large (et instantanée) diffusion de leurs œuvres à un public mondial, tout en rendant l’œuvre plus vulnérable à la reproduction, et au plagiat, et donc à la violation du droit patrimonial (l’exploitation de l’œuvre et la rémunération demandée par l’auteur).
Quelles réparations demandez vous ?
Cette question me semble prématurée. Je laisse pour le moment Maître Pierrat, mon avocat, évoquer cela avec la partie adverse. Je lui fais entièrement confiance. Nous verrons si nous pouvons trouver un accord, sans quoi, nous laisserons le juge apprécier l’affaire à travers le prisme de la loi sur la contrefaçon.
Vous avez demandé les service du cabinet du cador en la matière Emmanuel Pierrat mais demeurez à ce jour sans nouvelles de la part du manager de Madonna, Guy Oseary.Pensez-vous qu’il vous répondra un jour ?
Je ne peux qu’espérer que Guy Oseary, ou ses représentants auront l’intelligence de répondre à mon avocat. D’autant que Madonna donne un concert à Paris en décembre, je doute qu’elle ait besoin de ce genre de presse. D’autant que, mais elle l’ignore encore, ce n’est que le début…
Et sinon, qu’allez-vous faire ?
Hormis le fait d’aider Madonna à se refaire une virginité ? Continuer mon travail.