Son snowboarder de lumière, réalisé pour Nowness, a déferlé sur la toile comme sur une piste verte. Repris sur tous les sites d’influences, la dernière création de Jacob Sutton est un grand succès de la culture éphémère et instantanée d’internet.
Mais ce serait bien dommage de ne pas en profiter pour se (re)plonger dans l’œuvre de ce photographe à l’univers si particulier et si beau.
Deux tendances majeures dans son art : le fantastique et le corps dansant. Mais ces deux tendances ne peuvent pas se résumer par ces simples termes, parce que Jacob Sutton est homme de nuances. Et comme le disait Siddhartha lui-même, cette nuance est chemin de vérité.
Le fantastique pour commencer est discret. D’abord les photos paraissent parfaitement refléter la réalité avant de dégager un je-ne-sais-quoi de déstabilisant.
Et le principe est le même pour la danse. Loin des clichés et des déclinaisons habituelles, chez Jacob Sutton les corps oscillent entre grâce et douleur. Entre mouvements et spasmes. Comme un chant qui pourrait être un cri. Les histoires qui s’écrivent derrière chaque photo sont à la fois drame et comédie, union et déchirement.
Un amour du corps dansant qui se retrouve aussi dans ses photos de mode plus classiques où l’immobilité, les modèles statufiés sont bannis.
Parfois, la problématique du corps est carrément effacée. Dans ce triptyque pour une marque de vêtement, Jacob Sutton pousse à son paroxysme l’inutile du corps ou peut-être l’insoutenable absence de grâce. Avec, au final, un malaise comme si le photographe avait commis un réel meurtre. Meurtre du vide.
Toutes ces photos, commandées par des griffes, sont déjà marquées profondément par l’univers du photographe. Dans son travail personnel, exposé un peu partout dans le monde, cet univers frontière transpire sur chaque cliché. Jacob Sutton continue d’offrir des poses malcommodes dans des écrins de douceur, de la douleur en beauté. Comme si l’artiste ne pouvait choisir, comme s’il ne voulait choisir. Jacob Sutton, photographe boarder line, semble nous déposer aux portes d’un monde sans jamais nous forcer à y entrer.
La plupart des œuvres de Jacob Sutton détruisent. Elles détruisent des formes géométriques bien propres, bien établies. Elles détruisent un objet parfait, une forme tranquille. Et Jacob Sutton dans tout ça ? Lui, il cherche LE cliché. Celui qui rendra du choc, de l’instant où le chaos naît et où l’harmonie meurt. Et le spectateur ne sait s’il assiste à une création ou une destruction. Une approche encore plus visible dans ses vidéos. On y retrouve aussi la grâce de la danse.