« Autrefois, il n’y avait que des cinéastes. On ne parlait pas de techniciens. Méliès, Thalberg, Grémillon. Les mains des monteuses soviétiques, comme celles des ouvrières de la Rhodia, disaient l’exception partout où l’on aménageait la règle.
Vinci, Darty.
Aujourd’hui, c’est le règne des techniciens. Techniciens de grande surface, de télé mobile, techniciens de l’audiovisuel, de la gendarmerie.
Le cinéma s’est niché dans chaque arcane du capitalisme. La technique a pris le pas sur le geste. Et l’humain a déserté l’œil de celui qui regarde.
Ceux qui croient à la technique la disent objective, là où elle n’est qu’objectif.
Objectif de sécurité, de surveillance, de peur, de mort.
Et la mort, pour ne pas avoir trop peur, a substitué à son propre silence non pas un son d’outre-tombe, mais d’outre-vie.
Le son latent de l’agonie, celui du capitalisme, de la catastrophe permanente.
L’industrie et ses machines ont toujours généré leur propre musique. Des images et des sons émis par la vie, et comme subtilisés, retransmis par une agonie et destinés à la mort, aux structures de la mort.
Et dans ces structures de béton, fleurit toujours dans les interstices, là où l’humidité subsiste encore, cette herbe que l’on dit invasive lorsqu’elle ne fait que nous protéger de l’érosion, et c’est le Gourbi, le Far West, les 100 Noms.
Inverser la trajectoire, revenir à la vie depuis la mort, supprimer l’agonie.
Supprimer l’agonie. »