Cet été, il fait son premier pas dans le cinéma français. Un pas décidé qui ne laisse pas de doute sur ses prochaines foulées. Sa bande de potes, menée par le duo Cornillac-Payet, réunit plus d’un demi-million de spectateurs dans les salles. Au vrai, un chiffre quelque peu décevant pour un film aussi populaire. Mais l’essentiel est ailleurs. C’est confirmé, la nouvelle génération débarque avec ses punchlines, ses histoires à « hauteur d’hommes » et ses vannes sur les minorités religieuses, ethniques et sociales. Une rythmique forgée par 15 ans de travail d’auteur. Romain Levy est l’homme de l’ombre, l’homme des mots. Lui, qui pense que pour « être sur de ne pas se tromper, il faut dire la vérité. Parce que le rire n’est pas négociable, c’est binaire. Je ris ou je ne ris pas ».
Aujourd’hui, il se documente pour son nouveau film qu’il garde secret tant qu’il ne maîtrise pas parfaitement le sujet, et découvre en parallèle l’univers de la réalisation publicitaire.
Rencontre avec votre futur réalisateur préféré. Celui qui aime les mots et la vérité.
-Pour toi, qu’est-ce qu’un auteur ?
C’est avant tout quelqu’un capable d’encaisser l’humiliation avec le sourire. C’est aussi un mec qui a galéré avec les femmes et qui prend sa revanche devant une page blanche.
-Comment passe-t-on du mot à l’image ?
Par instinct. Comme certains savent bien s’habiller et d’autres non. J’y suis allé à tâtons mais avec détermination. J’ai un énorme besoin d’être compris.
-En quoi ton passé d’auteur t’a-t-il aidé ?
Par la frustration et l’aigreur. La plus grande violence quand tu écris, c’est de refiler tes mots à quelqu’un d’autre. Je ne veux pas plaire, je veux être compris. On fait des films pour être moins seul. Je n’aime pas les flous artistiques, je trouve ça impoli. Bien présenter ce qu’on ressent, avec précision et honnêteté, c’est poli.
-Peux-tu imaginer réaliser un film que tu n’aurais pas écrit ?
Pas vraiment. Même si ce n’était pour rien changer, j’aurai besoin d’intervenir. En fait, ce que je déteste le plus, c’est qu’on sente le papier. Les choses doivent sonner vraies. Je n’aime pas les mots d’auteurs, j’aime les punchlines.
-Y a-t-il un retour des storytellers en France selon toi ?
Je ne sais pas, mais on remet l’histoire au centre de tout. L’histoire, c’est tout. Si je te pitch Un Fauteuil pour deux, tu ris, parce que l’histoire est bonne. En France, on revient aux histoires, parce que l’autosatisfaction est morte. On manquait de curiosité.
-Quel est le plus grand auteur selon toi ?
Évidemment, j’ai été influencé par des gens comme James Ellroy, Philip K. Dick, Edward Bunker ou Tom Wolfe, mais j’ai cristallisé tout mon amour autour de Sergio Leone. Tout est beau chez lui. Les plans, la musique, les dialogues. Ce qu’il fait, c’est de l’opéra.
-Pourquoi cette obsession de la vanne ? De la punchline ?
Je parle comme ça dans la vie, avec mes amis. Mais je crois que c’est une tradition française. Les joutes verbales de salon. Je refuse de faire un film où l’on rit au dépend des personnages. Je ne veux pas qu’on juge les personnages. On peut dans les drames, mais surtout pas dans les comédies. C’est pour ça que j’écris et filme à hauteur d’hommes.
J’ai même réécrit des vannes. Sincèrement, elles étaient moins drôles après, moins percutantes, mais plus vraies. Et du coup, elles amenaient plus de rires. Je crois que le vrai crée plus de rires que le drôle.
-Est-ce difficile aujourd’hui d’être auteur ? La pression financière, le politiquement correct ?
Moi, j’ai eu la chance d’avoir mon producteur. Alain Attal qui est un bulldozer qui déblaie tout et qu’on a plus qu’à suivre. C’est moi qui devais lui rappeler que le projet devait rapporter de l’argent. Il m’a assuré une liberté totale.
Mais en général, je pense que c’est surtout de l’autocensure dont les auteurs souffrent. Quand tu démarres comme auteur, c’est un peu comme une rentrée en 6ème. Tu t’habilles différemment pour plaire.
-Radiostars assure quelques blagues sur les juifs, ce qui est plutôt rare. C’est aussi une religion qui est très proche du mot et de la transmission d’histoires. Est-ce que tu te sens marqué par ta culture judaïque ?
Les juifs sont tués, brûlés, assassinés ou expulsés à peu près tous les 50 ans depuis des millénaires, alors forcément, ils n’ont pas un très gros patrimoine immobilier à transmettre. Donc on transmet le mot. Et puisque l’histoire est plutôt triste, on y ajoute de l’humour.