Petit criminel, écrivain hors-la-loi, icône gay, le nom de Jean Genet signifie beaucoup de choses pour beaucoup de gens, mais le mot de cinéaste n’en fait généralement pas partie. Pourtant, Genet a réalisé un court métrage, « Un chant d’amour » en 1950. Silencieux et tourné en noir et blanc, le film montre une relation passionnée entre les détenus, séparés les uns des autres par les murs de la prison. Les prisonniers expriment leur désir étranger l’un pour l’autre de manière de plus en plus sensuelle jusqu’à ce que le cadre soit rempli de corps qui se tordent. Pendant ce temps, un garde solitaire veille, menaçant et jaloux.
Malgré le fait que le film ait été interdit pendant de nombreuses années, et que Genet lui-même l’ait renié, c’est une œuvre fondatrice pour les cinéastes gays ultérieurs, d’Andy Warhol à Derek Jarman, dont le premier long métrage Sebastiane (1976) doit sûrement une dette à ce film.
Le choix du décor de Genet n’est pas un simple détail autobiographique ; l’année précédente, il risquait une peine d’emprisonnement à perpétuité après sa dixième condamnation et n’a été sauvé que par l’intervention de Jean-Paul Sartre, Pablo Picasso et Jean Cocteau, qui ont adressé une pétition au président. Ce film reste aujourd’hui comme la projection de Jean Genet sur sa propre tension sexuelle frustrée (mais chaude) qu’il connaîtrait s’il était incarcéré pour le reste de ses jours.
Jean Genet a commencé sa carrière d’écrivain en prison, en rédigeant son premier roman, tout en purgeant une peine au début des années quarante. La fiction de Genet chargée d’érotisme, certains pourraient dire décadente, a travaillé pour récupérer et revaloriser son identité d’homosexuel, de paria social et de criminel.