« I love her more than sharks love blood ». Tout l’appétit de conquête et l’ambition sans limite de Franck Underwood résumés dans cette phrase. Qui est Franck Underwood ? Plus qu’un congressman, plus que la nouvelle icône des séries, il est devenu la vitrine, le symbole de Netflix. La plateforme a produit (avec David Fincher, ça aide) et distribué House of Cards, LA série de 2013. Netflix n’attendait que ça pour étendre sa révolution. Et son arrivée en France serait prévue pour septembre 2014.
Netflix a même confirmé à la ministre Fleur Pellerin que l’hexagone, ainsi que l’Allemagne, étaient leurs nouvelles priorités. Avec cette question : Netflix pourra-t-il se mouler au système français ? Et si oui, à quel prix pour l’exception culturelle française ?
Les 3 obstacles majeurs au développement de Netflix en France.
-Aux États-Unis, Netflix s’est situé sur un marché non concurrentiel. Pas, ou quasiment pas, de chaînes gratuites à la télévision. Et le moindre bouquet câble ou satellite coûte entre 70 et 100 dollars par mois. Avec son abonnement à moins de 10 dollars, Netflix a débarqué comme le messie.
-La législation française. La chronologie des médias qui impose un délai de 36 mois entre la sortie en salle et sa distribution en VOD.
-L’obligation de financer la création audiovisuelle et cinématographique à hauteur de 10% de son chiffre d’affaire. Et d’assurer un quota de diffusion d’œuvres françaises et européennes.
Pourquoi Netflix va s’assoir sur la spécificité française ?
-D’abord, parce que Netflix a le pouvoir de l’argent. Un budget de droits d’acquisition de 2 milliards de dollars cette année et de 4 milliards l’année prochaine. Comme l’explique le secrétaire général de Dailymotion, Giuseppe de Martino à Ciné Télé Obs (l’excellent dossier de Flore de Bodman à qui nous empruntons la plupart des chiffres ici) : « dès qu’il arrive dans un pays, il rafle tous les droits pendant un an ou deux. Histoire de se retrouver en position de force. » Est-ce que la France pourrait résister à un tel afflux d’argent ? Demander au service des sports de Canal+, submergé par les pétrodollars.
-La fameuse chronologie des médias est un faux problème. Netflix ne base pas son offre sur les nouveautés, mais sur un catalogue immense. De plus, cette législation est appelée à changer avec les recommandations du rapport Lescure et Bonnell, et celui du CSA, qui pourrait diviser le délai d’attente par deux.
-Netflix a déjà proposé son service au Royaume-Uni, aux pays scandinaves et aux Pays-Bas, depuis son siège européen… au Luxembourg. iTunes a utilisé la même stratégie sur le vieux continent, et le droit est plutôt indulgent avec la plateforme musicale.
Quelles conséquences pour la législation culturelle française ?
Nous ne jouerons pas les Nostradamus, même s’il semble évident que, comme toujours, la lenteur des décisionnaires rendra chaque décision obsolète avant même son application.
Mais il est sur qu’il deviendra difficile de demander à France Télévision ou Canal+ de financer la création française, alors que l’un de ses principaux concurrents ne sera pas soumis à cette obligation.
Il faudra aussi, à la France, durcir, ou tout simplement appliquer, la loi Hadopi puisque les offres de téléchargement illégal sont pléthores sur internet. Avec, par exemple, des plateformes comme Popcorn Time.
Netflix pose en fait une question que les nations, de concert, devrons aborder sous peu : comment harmoniser les législations nationales pour s’accorder à une création devenue depuis longtemps internationale ?