Imaginez un film écrit au XXIème siècle par Fellini et Visconti mettant en scène un écrivain mondain. Qu’est-ce que cela pourrait donner ? « Stefania, tu travailles toute la semaine à la télé, tu sors tous les soirs. Tes enfants ne te voient jamais, même pas pendant tes longues vacances. Tu as, pour être précis, un majordome, un domestique, un cuisinier, un chauffeur qui accompagne tes enfants à l’école, plus trois baby-sitters… Tu as 53 ans et une vie dévastée, comme nous tous. Alors, au lieu de nous faire la morale et de nous regarder avec mépris, tu devrais le faire avec affection. Nous sommes tous au bord du gouffre. Notre seul remède est de nous tenir compagnie et de rire un peu de nous. Non ? »
Ce dialogue en réalité est signé par le réalisateur Paolo Sorrentino dans « La Grande Bellezza ». Film aussi glaçant qu’exaltant. Un choc esthétique rare. Qui donne à la fois l’envie de retourner dans les musées et de commencer un nouveau roman. Paolo Sorrentino donne l’envie de sortir de soi pour apprendre à se rencontrer enfin.
Pour y parvenir, il prend le meilleur de Proust, de Céline, de Breton, de Flaubert. C’est son voyage à la recherche du temps perdu. Sous couvert de mélancolie, il fabrique une Italie post-berlusconienne en fin de vie. Hédoniste et donc dénué de sens. Avec en fond, une nostalgie passéiste empêchant de laisser couler un présent trop pesant.
Paolo Sorrentino que beaucoup pensent en poseur, impose un rythme schizophrénique. Un coup profond, un coup futile. Un coup jouissif, un coup abstinent. Bref, il sait jouer avec son spectateur. En bon esthète, qui malgré ce que peuvent en dire ses détracteurs, fulmine déjà parmi les grands. Qui sont les grands ? Ceux que l’on regarde la tête haute.