Michel Houellebecq, auteur des « Particules élémentaires », de « Soumission » ou encore d’« anéantir », se prête à un drôle d’exercice : tourner un film porno, dirigé par un collectif de cinéastes hollandais.
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https://www.youtube.com/watch?v=rBu_Md5Hufo
Mais qu’est-il allé faire dans cette galère ? L’écrivain Michel Houellebecq, récemment pressenti pour le prix Nobel de littérature avant que le jury ne lui préfère Annie Ernaux, a accepté de collaborer avec le collectif de cinéastes hollandais KIRAC (pour Keeping It Real Art Critics) en tournant… un film porno. Une sorte de lot de consolation pour celui dont la lune de miel au Maroc et les prostituées qui l’y attendaient ont été annulées au dernier moment à cause d’une menace terroriste. Des détails appris dans la bande-annonce du court-métrage. Pour voir le résultat final, une projection est prévue le 11 mars à Amsterdam.
« La femme [de Houellebecq] avait passé un mois pour arranger des prostituées à l’avance et maintenant tout s’effondrait », déclare la voix off, manifestement celle d’un des personnages du film puisqu’elle parle à la première personne du singulier. Fort heureusement, le narrateur a tout prévu : « J’ai dit [à l’auteur] que je connaissais plein de filles à Amsterdam qui coucheraient avec le célèbre écrivain par curiosité. » Le tout accompagné d’extraits présentant une femme blonde d’une vingtaine d’années embrassant à pleine bouche Michel Houellebecq. Seule condition à cet « arrangement » : que les ébats soient filmés.
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VIDÉOS CONTROVERSÉES ET ANTI-POLITIQUEMENT CORRECT
Pour (tenter de) comprendre la démarche cinématographique, il faut se pencher sur le collectif à son origine. Un groupe de réalisateurs coutumier des vidéos controversées. Depuis sa fondation en 2016, KIRAC propose sur son site des courts-métrages baptisés « épisodes » – celui de mars sera le 27e – d’une dizaine à une vingtaine de minutes. Contenu auquel s’ajoute la diffusion, bimensuelle, de podcasts culturels.
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« KIRAC est à la recherche de l’amour, sous la forme de la vérité , peut-on lire sur le site du collectif, qui croit que « la vérité ne peut émerger et n’émergera que d’une discussion raisonnable » et de « La critique » : « En fin de compte, chaque adversaire est en réalité un allié dans cette recherche primordiale de la vérité. Un idéal impossible, car les gens ne veulent pas de la raison, ils veulent gagner, et la vérité servira toujours cet objectif. KIRAC ne fait pas exception. »
On comprend à la lecture de la partie « à propos » du site que KIRAC se rêve en Socrate guidant les esprits au-delà de leurs préjugés. Le monde de l’art moderne est souvent la cible de leurs critiques. De la dénonciation de la culture annulée à la défense d’hommes soupçonnés d’abus sexuels, le collectif se distingue par ses prises de position anti-politiquement correcte. En pratique, KIRAC est connu pour ses coups médiatiques et sa virulence vis-à-vis de ses pairs. Le quotidien hollandais Trouw décrivait ainsi en 2021 : « Selon les cinéastes de KIRAC, tout tourne autour de l’art. Ils croient que blesser les gens en fait partie. « En fin de compte, il faut oser aller en enfer pour l’art. » Sans exception, tous ceux qui participent, sollicités ou non, à un film du collectif s’en tireront mal. Mais peut-être est-il ensuite choqué par cela tombe dans la catégorie des « polderers, des bourgeois », selon l’artiste Stefan Ruitenbeek », à l’origine du collectif.
Mais quel rapport avec un Houellebecq à demi-nu dans un lit avec une jeune et longiligne hollandaise ? La précédente vidéo de KIRAC mettait déjà en scène ce genre d’ébats, avec la même jeune femme que celle aujourd’hui aux côtés de l’auteur français. Cette étudiante de 23 ans, se déclarant de gauche, prénommée Jini Jane, avait demandé en 2021 à être filmée durant une relation sexuelle avec le philosophe conservateur de droite Sid Lukkassen, recrutée via une annonce passée sur le blog hollandais GeenStijl . L’objectif du porno ? Combler le fossé idéologique qui les sépare. Et tant pis si, durant le tournage, Lukkassen retirait son consentement à la diffusion des images : le film est quand même sorti.
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Source : Marianne