« Tenez 72 heures ! », voilà la consigne prophétique du rapport Niinistö remis à la Commission européenne. En clair, chers habitants du vieux continent, votre placard devient désormais un bastion stratégique contre les tempêtes géopolitiques et climatiques à venir. Une Europe résiliente ne commencera pas par Bruxelles ou Strasbourg, mais dans vos cuisines, vos armoires à pharmacie, et dans ces bouteilles d’eau stockées quelque part sous votre évier.
Le Finlandais Sauli Niinistö, habitué à scruter l’Est avec méfiance, offre à l’Europe une leçon de réalisme glacé. À force de vivre à l’ombre du colosse russe, on développe un sens aigu du danger, une obsession vertueuse de l’autonomie. Les Français, eux, si confiants derrière leur parapluie nucléaire, ne comprennent peut-être pas encore que l’apocalypse n’aura pas forcément la délicatesse d’annoncer son arrivée. Pourtant, les tragédies espagnoles des derniers mois démontrent que l’imprévisible est devenu quotidien. Faudra-t-il bientôt équiper les véhicules d’une bouée d’urgence aux côtés du gilet jaune, symboles d’une modernité en faillite face à une nature que nous avons provoquée, mais que nous ne contrôlons plus ?
La pandémie de Covid-19 avait levé le voile sur une Europe aussi impréparée qu’une adolescente découvrant avec effroi son premier bouton d’acné. Aucun masque, aucun gant, aucune prévoyance. L’Europe nue devant le chaos. Combien de fois faudra-t-il le répéter pour que cela s’ancre enfin : chaque crise révèle autant notre vulnérabilité que notre inaction passée. Chaque euro dépensé aujourd’hui en préparation rapporte treize fois plus demain. Mais ce chiffre rationnel semble inaudible face aux États membres frugaux, obsédés par le zéro virgule et incapables de voir au-delà de leurs tableurs Excel.
Et tandis que les États-Unis dérivent lentement vers un isolationnisme douillet, Niinistö nous prévient : personne ne viendra sauver l’Europe d’elle-même. La résilience doit être enseignée dès l’école, au même titre que les mathématiques ou la littérature. Cybersécurité, éducation aux médias, gestion des crises : voilà les armes nouvelles d’une jeunesse européenne destinée à vivre dans un monde où la guerre hybride devient norme.
Ce rapport pourrait être un électrochoc salutaire ou un énième document oublié sur une étagère poussiéreuse. Car l’Union, avec ses compromis perpétuels et ses couardises financières – l’Allemagne en tête –, hésite encore. Le concept ambitieux d’une « Union de la préparation » est posé sur la table. Reste à savoir si nous sommes prêts à abandonner notre douillette illusion de sécurité pour une véritable souveraineté.
Alors, Européens, préparez-vous à l’inattendu, car demain vous appartient déjà moins qu’hier. À défaut d’une défense européenne commune digne de ce nom, commencez au moins par remplir vos placards. Parce que si votre cuisine est vide, l’Europe le sera aussi.