Selon le Secours Catholique, qui a publié jeudi dernier son rapport annuel sur la pauvreté, le nombre de Français ayant des difficultés à se nourrir a plus que doublé depuis le début de la grande crise financière.
Entre 5 et 7 millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020, indique en effet le rapport, sur la base des données de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Le niveau de vie médian des personnes aidées par le Secours Catholique s’élève cette année à 537 euros, soit six euros de moins que l’an dernier, un chiffre deux fois inférieur au seuil de pauvreté fixé en 2018 à 1 063 euros. « C’est une humiliation que notre pays inflige à près de 10% de sa population », s’indigne Véronique Devise, présidente de l’association. En 2009, ce chiffre n’était que de 4 % (2,6 millions) : l’insécurité alimentaire a donc augmenté de 250 % en seulement dix ans. Le conte de fée du président Macron sur l’augmentation du pouvoir d’achat en prend un sacré coup.
27 % des personnes bénéficiant déjà de l’aide alimentaire du Secours Catholique « ne mangent pas pendant plusieurs jours, de manière régulière », note le rapport. « Lorsque les ressources sont limitées, les gens rognent sur leurs dépenses, à commencer par la nourriture et le chauffage ».
Comme le souligne très bien le manifeste du Secours Catholique, la gastronomie française s’exporte dans le monde entier. Les émissions culinaires rassemblent toutes les générations devant le poste. La France est un pays où l’on vit bien, dit-on. Pourtant, il restera de la pandémie de Covid une image marquante, celle des files d’attente qui s’allongent devant les centres de distribution alimentaire. En 2020, en France, entre 5 et 7 millions de personnes ont eu besoin d’y recourir. C’est une humiliation que notre pays inflige à près de 10 % de sa population. Bien des personnes en situation de précarité nous le confient : « Le fait de payer et de choisir comme tout le monde nous permet de rester dignes. »
À partir des situations rencontrées chaque jour par les équipes locales du Secours Catholique en 2020, le présent rapport apporte un nouvel éclairage sur les vulnérabilités de notre société. La pandémie a souvent aggravé l’intensité de la pauvreté déjà vécue. En 2020, la part des ménages rencontrés sans ressources financières atteint 22 %. Le niveau de vie médian est en baisse (537 euros) et largement en deçà du seuil d’extrême pauvreté (739 euros), ce qui se traduit par autant de privations. Quand les revenus suffisent à peine à régler le loyer, la santé, les dettes, la pension… ou quand il faut faire face à un imprévu (comme l’arrêt des cantines en 2020), on rogne sur la partie variable des dépenses, à commencer par l’alimentation et le chauffage. L’explosion actuelle des prix de l’énergie laisse d’ailleurs craindre le pire pour cet hiver.
La crise a surtout donné à voir des pauvretés déjà installées.
En 2020, sans surprise, la demande d’aide alimentaire est en hausse (54 % des ménages rencontrés). Particulièrement alarmant : 27 % des ménages auxquels nous avons remis des chèques-services subissent une insécurité alimentaire grave. Autrement dit, il leur arrive régulièrement de ne prendre aucun repas de la journée. Des familles sont concernées.
Si la crise sanitaire a servi de révélateur, quels enseignements en tirer ? La crise a surtout donné à voir des pauvretés déjà installées. Or nos gouvernements ont pris la fâcheuse habitude d’apporter des réponses ponctuelles, adaptées pour l’urgence, à des enjeux structurels. Tacitement, notre pays a choisi d’industrialiser les distributions de denrées plutôt que l’accès digne de tous à l’alimentation, l’hébergement ou les nuitées d’hôtel plutôt que le droit au logement, les aides ponctuelles aux ménages pauvres plutôt qu’un revenu minimum permettant de ne pas avoir à choisir entre les loisirs des enfants, le chauffage et l’alimentation.
La crise sanitaire a aussi rappelé combien notre pays est capable de solidarité, de générosité, de fraternité. Cette fraternité inscrite dans notre devise nous invite à faire bien plus que mettre des pansements sur la pauvreté. Et si on essayait, en 2022, de faire de la fraternité la boussole de nos choix politiques ?