Depuis le début de la guerre en Ukraine, la répression à l’encontre des opposants russes à Vladimir Poutine n’a fait que s’accentuer. Manifestations interdites, censures, arrestations, amendes… C’est dans ce contexte qu’une des Pussy Riot s’est échappée de Russie, déguisée en livreuse, pour tromper la surveillance policière dont elle était la cible. L’occasion de revenir sur l’origine de ce mouvement punk qui a réveillé l’opposition russe il y a dix ans.
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De l’art engagé devenu un mouvement punk
Ekaterina Samoutsevitch, Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina : ces femmes, dont certaines sont mères de famille, sont passées d’un collectif artistique anonyme à la renommée internationale, en 2012, quand elle ont chanté en tenues bariolées « Mère de Dieu, chasse Poutine d’ici ! » dans une église.
Non seulement elles clament leur opposition à Vladimir Poutine, mais leur force est de performer dans la cathédrale Saint-Sauveur, proche du pouvoir, alors que l’Église orthodoxe est un des plus puissants appareils idéologiques de l’État.
Arrêtées et inculpées pour hooliganisme, leur procès très médiatisé les a propulsées sur le devant de la scène et leur cause a été défendue par des personnalités artistiques et politiques comme Madonna, Sting, Paul McCartney, Aung San Suu kyi…
Elles ont réussi un coup de force : populariser une opposition à Poutine jusqu’alors confidentielle.
Maria Alekhina, membre du groupe Pussy Riot : « L’art politique diffère des partis politiques parce qu’il pose des questions gênantes. »
Le réveil féministe russe
Deux des chanteuses sont emprisonnées et cette incarcération divise la Russie. Elles subissent un torrent de critiques
parce que femmes, parce que mères de famille, parce que libres.
Elles sont rejointes et soutenues par de nombreuses militantes féministes, invisibilisées à une époque où la “virilité” du régime de Poutine est mise en avant comme un atout du pouvoir.
Ekaterina Samoutsevitch, membre des Pussy Riot : « Si on regarde la situation en Russie, où on a pratiquement le droit de rien faire, il est naturel de résister et de se battre. Donc je pense qu’on a eu raison de mener ces actions, mais c’est difficile de continuer. On a fait ça pour que des gens prennent la suite et commencent à faire des choses tout seuls. »
Leurs cagoules de ski, marques de leur opposition à utiliser des visages féminins pour faire leur promotion, deviennent un symbole du féminisme et de la lutte contre l’homophobie. Un accessoire qui sera repris en Russie, puis partout dans le monde.
Punk is not dead
Les Pussy Riot renouent aussi avec un genre : le punk, très virulent dans les années 1980 mais moribond depuis le début du XXIe siècle. Elles s’identifient en particulier au mouvement Riot Grrrl, qui rassemble plusieurs groupes de punk, rock et rock alternatif féministes des années 1990.
C’est surtout l’aspect contestataire qui leur a fait choisir le punk, genre musical de l’action par excellence. Elles qui n’avaient pas sorti d’album avant la scène de l’église sont devenues des artistes reconnues par la suite.
Si leurs performances sont désormais plus travaillées, plus éloignées du punk aussi, leurs revendications restent inchangées comme dans le clip ci-dessous où elles dénoncent la corruption du pouvoir.
Pour le collectif tout le monde peut devenir Pussy Riot, ce qui explique que de nouveaux visages soient apparus ces dernières années, y compris en dehors de la Russie.
En pleine invasion de l’Ukraine, une partie des Pussy Riot a entamé une tournée de soutien. Une des membres historiques du groupe, Maria Alekhina, a même dû fuir la répression russe déguisée en livreuse.
Maria Alekhina, membre des Pussy Riot : « Je pense que notre action ne concerne pas que la Russie. L’art protestataire est un phénomène international. Et je crois que dans la situation politique actuelle, le monde a besoin de plus d’art politique. »
Source : Radio France