Toute ma vie d’humoriste, j’ai pensé à donner la vie. Sans jamais ne passer à l’acte. La seule chose que j’ai finalement su faire c’est l’enlever, la vie. La vie d’un enfant qui allait naître. J’ai détruit une famille. Un père, une mère, un frère. J’ai tout démoli. Je suis fini. Alors que ma passion a toujours été de faire rire l’autre, pas de le voir en larmes. Je suis coupable. Je n’ai aucune circonstance atténuante. Je me suis défoncé à en crever ces trente dernières années. Oui, j’avais aussi des mineurs comme esclaves sexuels chez moi. Et tout le monde savait. Mais pour ma défense je ne savais plus où j’habitais. Depuis bien longtemps. On ne s’injecte pas en intraveineuse des produits pour faire l’amour du jour au lendemain. Il y a un processus. Une montée en pression. J’ai commencé avec de l’alcool comme une demi mondaine. De théâtre en cocktail. De dîner en déjeuner. Puis très vite j’ai goûté à la cocaïne. J’ai aimé. Elle aussi, elle m’a aimé. Immédiatement. Je ne demande pas à être pardonné ni même compris mais sachez qu’on ne dépense pas vingt mille euros par mois chez un dealer du jour au lendemain. Moi, je suis un romantique. Je cherchais l’amour en réalité. Mais je suis tombé dans un chaudron de paradis artificiels très tôt. Je viens d’enlever une vie. La mienne ne sert donc plus à rien. Je ne ferais plus rire personne. Ni en prison ni ailleurs. Je suis déjà un homme mort. Mes meilleures amies effacent devant moi les post Instagram où elles disent qu’elles m’aiment. J’ai Mimi Marchand et le réseau sur le dos, il ne me reste peut-être plus longtemps. En un seul sms, elle fait éteindre les caméras de la prison et je sais que je disparais. Je ne suis déjà plus là de toute façon. Depuis longtemps. J’étais une ombre de moi-même. Un mort vivant vampirique qui se servait du sexe comme exutoire. Je le servais des jeunes comme des sacs de viande. Je n’avais plus ni éthique, ni morale. J’avais vendu mon âme au diable. Littéralement. Pour conserver mon quart d’heure de gloire. Je ne pouvais plus faire machine arrière. Et puis j’avais besoin de m’envoyer en l’air, tout le temps, avec n’importe qui. Je donnais cent euros à n’importe qui juste pour qu’on me prenne dans des bras. Je voulais pleurer sur l’épaule de quelqu’un. Et au lieu de ça, je me poudrais sans arrêt. Je ne dormais plus. Depuis longtemps. J’alterne les passages hystériques et dépressifs depuis toujours. C’est un enfer de vivre à côté d’un comédien, pire d’un humoriste. C’est ce qu’il y a de moins drôle au monde. Aujourd’hui, je suis un meurtrier. J’ai longtemps hésité à demander pardon publiquement. Pour être honnête je ne voulais pas au début. Mon ego, mon narcissisme m’avalait le peu d’humanité qu’il me restait. J’étais encore trop fier de moi. C’était plus fort que moi. Même en ayant volé une vie et détruit une famille, rien ne me venait. Pas un instant de culpabilité. Rien à branler. Je voulais retourner baiser. J’avais pas terminé ma soirée. On avait acheté des nouvelles seringues, j’avais deux sachets de vingt grammes à finir, de quoi baiser pendant deux jours de plus. Et là, je me fais prendre en main par Mimi Marchand et ses amis. Moins glam. Moins drôle. Il y a maintenant soi disant des films de moi en train de regarder des viols d’enfants. Je ne me souviens pas d’une nuit sur deux de toute façon. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Après tout Paris savait. Oui j’avais des amants adolescents. Oui je payais. Oui j’étais un esclavagiste. Mais je pensais vraiment que j’allais mourir acclamé, en rock star, quoi que je fasse, j’avais l’impunité totale. Jusqu’à la providence. Jusqu’à ce foutu coup de volant. Maintenant je vais être quoi ? Un mélange entre Bertrand Cantat et Jean-Luc Brunel ? Pierre Niney va jouer demain mon biopic ? C’est quoi de toute façon la vie pour moi ? Même Brigitte ne peut plus rien pour moi. Je suis pourtant une idole, une icône. Et une icône ça ne s’excuse pas normalement. Et ça ne va pas en prison. Ou alors un mois max. En cellule VIP. Avec de la bonne coke et des antidépresseurs. Si j’ai l’abonnement à Canal et internet pour voir du porno, je peux tenir trente jours. Vous allez dire qu’il y a eu un homicide. Mais c’est une vue de l’esprit. Pour moi il y a rien eu. Un accident de voiture. C’est tout. Qui s’excuse pour un accident de la route ?
Je ne me suis jamais excusé. Pour rien. Ça n’allait pas commencer aujourd’hui. Je suis une célébrité. Ma vie compte plus que celle des autres. Même si je sais que le pardon couronne la grandeur. Que l’erreur est humaine et le pardon divin.
Dans la vie et la mort du roi Richard, William Shakespeare a écrit qu’en disant deux fois pardon, tu ne pardonnes pas deux fois, mais tu rends le pardon plus solide. Je parle à Dieu aujourd’hui en lui demandant ce qu’il ferait de mon pardon si je n’avais pas péché ?
Je veux terminer comme Shakespeare en vous demandant aussi pardon. Même si je ne le souhaitais pas encore hier soir. Mais je viens de changer d’avis. Histoire de sauver la mienne. De vie.
Alors pardon. Pardon. Pardonnez-moi. Une dernière fois. Avant le grand départ. Le dernier tour de piste de l’artiste pour faire ses adieux. C’était ma dernière.
Pierre Palmade.