Tout le monde l’a oublié mais l’immense Ingmar Bergman a réalisé neuf publicités pour du savon au début des années 1950. C’était pour une marque nommée Bris (Breeze). Bergman a ensuite essayé de s’en laver les mains. Selon l’actrice Bibi Andersson, elles ont été faites par nécessité. Il avait huit enfants à nourrir, une grève de longue date avait paralysé l’industrie cinématographique suédoise et les théâtres étaient fermés pour l’été. Il avait besoin de travailler.
Pour tout amateur de Bergman, les publicités sont fascinantes: ludiques, autoréflexives, ingénieuses et kitsch.
Dans l’un des films, Bergman satirise doucement des films tels que Bwana Devil et House of Wax où nous voyons un public regarder des images d’une femme sous une douche. Elle étend son bras très long – environ 60 pieds de long – et éclabousse les spectateurs avec de l’eau et du savon. L’Inventeur, quant à lui, est une parodie du genre de films que Georges Melies faisait au début de l’ère du silence.
Dans The Princess and the Hog Farmer Boy, Bibi Andersson joue une princesse de conte de fées qui récompense un jeune éleveur de porc hirsute avec 100 baisers pour lui avoir donné un savon Breeze. Dans un autre, on voit un match de boxe entre un arlequin (symbolisant le savon) et une petite créature diabolique (symbolisant des bactéries).
Comme les films nous le rappellent toujours: « Breeze est un savon anti-odeur qui vous fait vous sentir libre, bien et frais. » Mais le réalisateur donnait souvent l’impression qu’il se sentait entaché par tout ça.
Breeze s’appelait à l’origine Sunlight. C’était une marque saine mais plutôt ennuyeuse: bien pour se laver les mains, mais ce n’était pas si excitant. Bergman a apporté son professionnalisme et son perfectionnisme habituels à ces mini-films. Il travaillait avec Gunnar Fischer (son directeur de la photographie sur Le septième sceau et les sourires d’une nuit d’été) et de nombreux autres membres réguliers de l’équipe.
Bon nombre des idées formelles testées dans les publicités ont trouvé leur place dans les fonctionnalités ultérieures de Bergman. La marque a en plus donné au jeune réalisateur la chance d’expérimenter. Il avait la maitrise sur le montage final, il avait les mains libres, il pouvait faire ce qu’il voulait.
Malgré les affirmations de Bergman selon lesquelles les neuf publicités (toutes réalisées en 35 mm, toutes d’environ une minute et toutes diffusées dans les cinémas) ont été tournées pendant la grève du film suédois de 1951, mais d’autre source suggère que certaines ont été réalisées en 1953 et 1954.
Autrement dit, le partenariat avec Bris n’était pas seulement un intermède de courte durée, mais un partenariat (relativement) de longue date. Dans ces publicités, il a pourtant fait du bon travail mais il en avait terriblement honte.
L’idée derrière l’embauche de Bergman était de donner au savon une image plus sophistiquée. Après le coup de maitre de Bergman, Procter & Gamble a immédiatement acheté la marque.