Dans notre épisode précédent, nous évoquions l’orfèvre Jean Michel Papillon (1698 – 1776), graveur d’affiches mondain et premier DA de la publicité. Que ce serait-il passé si ce génie créatif avait pu rencontrer celui qui deviendra certes au siècle suivant, l’un des plus grand patron d’agence ?
Notre nouvel épisode nous situe au début du XIXe, et il s’intéresse à un bâtisseur d’empire, j’ai nommé Charles-Louis Havas (1783 – 1858). Jusqu’aux dernières années de sa vie, après avoir tout d’abord construit un monopole dans les médias, il fera de Havas le premier groupe publicitaire mondial, hommage à un visionnaire.
Véritable Rupert Murdoch français, C-L. Havas dirige l’agence de presse éponyme à partir de 1832. Son réseau d’informateurs est tentaculaire. Il dispose de correspondants répartis dans chaque capitale européenne qui l’informent des cours de la Bourse via une armées de pigeons voyageurs bagués de bons augures. Le pigeon belge dit le « boursicoteur » n’avait rien à envier à Twitter. Ainsi C-L Havas se fera l’atout maître et indispensable des investisseurs. En 1851 cette bande de pigeons est chassée par l’arrivée du télégraphe, mais le succès d’Havas n’en sera aucunement détourné. A tel point que C-L Havas enfantera l’AFP (Paris) et Reuters (Londres), les deux principales agences de presse généraliste qui collectent l’information dans le monde.
A presque 70 ans, il réalise le dernier « big short » de sa carrière en rachetant les actions du Bulletin de Paris. Créé au départ pour servir un autre magnat de la presse, Emile de Girardin, le Bulletin de Paris était à ce moment là, la première régie publicitaire en France. Avec le concours de ses deux fils, il transforme alors le Bulletin de Paris en Société Générale des Annonces. Jusqu’à présent, l’économie d’un journal repose sur le nombre d’abonnés. En s’ouvrant à la publicité, La Presse divise le prix de son abonnement par deux et multiplie par cinq le nombre de ses lecteurs. En effet, le tirage du journal explose passant de 13 000 exemplaires à plus de 60 000 en seulement quelques mois. Cette disruption provoque l’ire des concurrents et le duel de plume laissera place à l’échange de plomb.
La famille Havas en contrôlant l’information contrôle la source des journalistes. Grâce aux recettes issues de la publicité, elle devient en plus leur banquier. Balzac avait toutes les bonnes raisons de voir en C-L Havas l’incarnation d’un « quatrième pouvoir » dans l’état.
L’histoire ne fait elle pas la un clin d’oeil à la famille Bolloré, l’actuel propriétaire et peut être exécutante testamentaire de feu C-L Havas ?